26/12/2008
Il neige ! Soyons fous, osons le Caroux !
Bien que mon antre ne soit situé qu'à quelques lieues de la mer, j'ai le bonheur d'apercevoir dans le
lointain la ligne tantôt noire, tantôt bleutée des monts du Haut Languedoc, avec, en première ligne, la masse
imposante du Caroux
Dès que je mets le nez dehors, je jette un oeil (et l'autre aussi bien sur, n'étant pas borgne !) vers le
« ch'nord » afin de vérifier que ces chères montagnes, lieu privilégié de mes pérégrinations, sont toujours en place.
Sait-on jamais, un séisme nocturne pourrait les engloutir, ce qui serait pour moi une perte incommensurable dont
je ne me relèverais pas .
Que vaudrait, en effet, de vivre sans leurs sentiers tortueux et odorants, sans leurs combes sauvages
abritant sangliers, chevreuils et mouflons, leurs forêts de pins, de hêtres, de chataigners ou de chênes pubescents
où rodent elfes, lutins, satyres et autres peuples merveilleux que nous snobons mais que nos anciens craignaient
et respectaient. Quelles couleurs aurait le monde sans leurs tapis mauves de bruyères ou leurs mers dorées de genets.
Qui ferait battre à tout rompre mon coeur assagi si ce n'est leurs pentes vertigineuses menant au ciel ?
Or, au matin du 16 décembre, quels ne furent pas ma surprise et mon bonheur d'apercevoir à l'horizon un
fil d'argent bordant la ligne montueuse : il avait neigé la nuit sur le Caroux ! Je levai les yeux au ciel et remerciai
en silence le père Noêl auquel j'avais écrit quelques jours avant pour lui demander un noël enneigé, ce qui pour
un « sudiste » est un présent d'une valeur inestimable ! Certes la livraison du père Noêl était en avance de quelques
jours, mais je comprenais bien son souci de réserver la nuit de Noêl aux enfants. L'essentiel était qu'il ait donné
suite à ma requête !
Sans perdre un iota de seconde, j'appelai mon ami et compagnon « es chemins » Gibus. « Le Caroux est
enneigé » lui dis je « on se le fait demain, je passe te prendre à 8 H 30, ça te va ? ». La forme interrogative à vrai
dire ne s'imposait pas ! C'est comme de demander à mon plombier s'il veut « un » pastis, le oui est toujours de mise
et dans ce cas je peux même vous dire que « UN » prend un « S » !
A 10 H 01 le lendemain matin, nous étions donc au pied du Caroux à 200m d'altitude, encapuchonnés et
emmouflés comme des inuits, la température flirtant avec le zéro degré. Nos sacs ressemblaient ce matin là à une
hotte de père Noël, vu que nous y avions mis du petit bois pour faire un feu dans le refuge de Fontsalès où nous
avions projeté de pique-niquer. Nous sommes des hommes rustiques et tous terrains certes, mais soucieux d'un
minimum de confort quand il s'agit de prendre ses repas (Comme le dit un dicton Lyonnais « les jeunes vivent
d'amour et d'eau fraiche et les seniors de saint amour et de ventrèche ») .
Nous voilà donc partis en empruntant la piste goudronnée qui monte au hameau d'Héric et que nous
quittons bien vite pour emprunter un sentier muletier menant au col de Bertouyre à 700m d'altitude.
Pas après pas, mètre après mètre, je grimpe, courbé sous le poids du sac, les yeux rivés sur le bout de
mes chaussures, tandis que mon ami Gibus semble danser sur le sentier; cet homme là a du être mouflon dans
une autre vie tandis que moi j'étais fer à repasser !
Mais d'une seule traite nous arrivons au col où mes halètements font concurrence à la Tramontane.
Un abricot sec, un verre d'eau (et oui, il m'arrive d'en boire !) et nous voilà en route pour le refuge de Fontsalès
à 1055m d'altitude.
Vers la cote 850, nous trouvons les premières plaques de neige cristallisées, ressemblant à des
paquets de sucre en poudre répandues par des Elfes facétieux sur les pierres du chemin.
Cette neige tant espérée nous tend un redoutable piège car l'eau qui en suinte a gelé dans la nuit et
recouvert les pierres du chemin d'une fine pellicule de glace. Je me retrouve bientôt à quatre pattes dans une
position où je semble rendre hommage aux divinités du lieu. Mais loin d'être des prières les propos que je prononce
alors feraient plutôt rougir le capitaine Haddock !
Mes premières tentatives pour me relever restent vaines et j'ai l'impression d'être une tortue renversée
sur le dos, mais j'arrive à agripper un buisson bordant le chemin et à reprendre ma progression pour le moins
« chaloupée » vers le sommet.
Un arbuste audacieux, ignorant sans doute l'avis de ses aînés, s'est établi dans ces lieux inhospitaliers
et s'incline respectueusement sur notre passage, saluant le courage (que d'aucuns appelleraient inconscience!)
de ce duo de bipèdes sudistes que l'on voit plus volontiers en cette saison sur les terrains de pétanque.
Nous arrivons enfin sur le plateau du Caroux complètement enneigé qui surplombe du haut de ses
1050 mètres, la vallée du Jour, affluent de l'Orb, noyée dans un brouillard bleuté. La température étant en
dessous de zéro, nos ne nous éternisons pas et je vous laisse un espace libre pour que vous composiez
vous même vos commentaires sur la beauté du lieu (à vos souris donc !):
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La vue du refuge nous fait presser le pas et nous nous y installons avec un bonheur qu'aucun 5 étoiles
sur Terre ne pourrait nous procurer. Nous sortons le bois de notre sac et allumons le feu.
Au menu du jour nous avons : vin chaud, potage aux 5 légumes (selon les recommandations de l'Agence Alimentaire)
terrine aveyronnaise aux chataîgnes, salade de pommes de terre, orange ou pomme, zézettes de Sète (c'est un gateau,
je vous rassure !) chocolat noir, café ou thé, le tout arrosé d'un Pic Saint Loup du Château de Valflaunès, dont ce blog a
déjà dit le plus grand bien (voir la rubrique Délices)
Nos batteries rechargées à bloc, nous sortons pour faire le tour du plateau du Caroux en cheminant
tout d'abord dans les bois qui entourent le refuge où des hêtres nous tendent désespérément les bras afin
qu'on les étreigne pour les réchauffer.
Déclinant leur invitation, nous sortons du bois pour affronter le blizzard et éprouver ce plaisir ineffable
et primitif de défier les éléments. C'est en quelque sorte un retour à l'aube de l'humanité où la confrontation
avec la nature constituait la trame de la vie humaine et forgeait le corps, le coeur et l'âme de nos lointains ancêtres.
Aujourd'hui dans nos pays développés, mis à part les plus déshérités d'entre nous, tout un appareillage
nous protège et nous éloigne de cet affrontement et nous rend fragile et dépendant. Les tempêtes de neige récentes
qui ont provoqué le chaos dans une partie de la France soulignent cette fragilité.
Nous faisons ainsi le tour du plateau sans apercevoir âme qui vive; même les mouflons qui prolifèrent en
ces lieux se terrent dans les combes. Le bruit de la neige qui crisse sous nos pas et le hullulement du vent créent
une ambiance fantasmagorique qui me font frissonner de bonheur !
Puis nous regagnons le couvert du sous bois ayant brulé les calories de notre repas pantagruélique.
Nous nous apprêtons à redescendre vers la vallée quand nous croisons un monstre écailleux tapi sur
le bord du plateau qui nous interpelle en nous posant la charade suivante à laquelle nous devons impérativement
répondre si nous voulons passer : « Nous sommes des milliards et tous différents ! Qui sommes nous ? »
Enfantin mon cher répondit mon ami Gibus qui donne la bonne réponse et nous sauve ainsi de la congélation !
Et vous auriez vous trouvé ? (Merci de laisser votre réponse en commentaire)
Puis nous franchissons la brêche qui permet de redescendre vers le col de Bertouyre par le sentier toujours
aussi verglassé et qui nous fait regretter de ne pas avoir pris de patins à glace.
Nous regagnons les replis protecteurs des contreforts du Caroux alors que les nuages plongent vers la vallée
entraînés par l'air glacial qui se déverse le soir venu dans la vallée.
Nous franchissons enfin les eaux tranquilles du torrent d'Héric et rejoignons notre monture.
Quel bonheur que cette journée dans les monts du « ch'nord » ! La prochaine fois qu'il neigera sur le
Caroux, nous vous donnons rendez vous au refuge de Fontsalès, car, comme le dit l'adage, plus on est de fous....
Texte & Photos Ulysse
09:38 Publié dans tourisme | Lien permanent | Commentaires (31) | Tags : caroux, neige, fontsalès
10/10/2007
On ira tous au Caroux !
Tout le monde connait la chanson de Michel Polnareff « on ira tous au paradis » ...On aimerait bien croire à cette profession de foi optimiste, mais on peut avoir des doutes sur l'existence d'un tel lieu quand on voit le bazar que devient notre planète. Comment penser qu'il y ait la main d'un dieu derrière tout ça ? Si vraiment il existe, soit il n'est pas très doué, soit il est retors et dans les deux cas ça ne donne pas envie de finir pensionnaire pour l'éternité dans son paradis.
Par contre il y a un lieu que je ne me lasse pas de parcourir et qui est pour moi un vrai paradis terrestre : le Caroux ! Et je vous invite à vous y rendre dès que vous le pourrez qu'il pleuve ou qu'il vente, car c'est un lieu empreint de majesté et de sérénité dont le spectacle vous remet sur pied.
D'ailleurs la dernière fois que j'y suis allé en partant de St Martin de l'Arçon et en passant par le col de Bertouyre, il pleuvait. Mais depuis que je marche la pluie est devenue mon amie, il suffit d'être bien équipé et alors vous jouissez d'un bouquet d'odeurs inouies, terriennes, végétales, florales et animales que les gouttes en s'évaporant répandent dans l'air. A vrai dire c'est le seul moment où j'ai autant de plaisir à humer de l'eau qu'un bon vin !
Quand je croise un cairn je pense toujours aux mains inconnues qui ont créé puis ajouté des pierres à l'édifice qui souvent défient les lois de l'équilibre. C'est une oeuvre collective de personnes animées par une même passion des chemins et de la nature. C'est le point de croisement de vies et de destins innombrables et différents mais qui ont en commun d'être à un moment donné passé au même point et d'avoir ainsi, à leur insu, un lien secret qui les unis.
Le bonheur des balades réside beaucoup dans la liberté retrouvée de notre imaginaire qui n'étant plus bridé par le matraquage médiatique de notre société dite "moderne" retrouve la capacité d'émerveillement des enfants ou des premiers hommes et débusque les êtres fantastiques qui hantent les lieux sauvages et reculés. Ainsi l'on croise près du rocher du Luchet une sorcière pétrifiée par on ne sait quel enchanteur et qui semble appeler au secours
Dans l'univers austère et minéral de la montagne je suis souvent émerveillé de découvrir la vie qui s'accroche alors que tout semble s'opposer à son épanouissement, tel cet arbre, fier « David « végétal qui défie les falaises , « Goliath » de pierre prêts à l'écraser.
Mais vous allez finir par croire en lisant mes propos que je suis un ascète contemplatif. Je vous rassure je suis plutôt du genre rabelaisien et le refuge de Fontsalès où nous réfugions devient le lieu d'un chaleureux et pantagruellique agape.
Nos ancêtre dits primitifs ont laissé dans les grottes où ils se réfugiaient d'ardentes oeuvres d'art. collectives destinées sans doute à dompter l'esprit des animaux qu'ils peignaient pour assurer la survie du groupe. Les gravures et graffitis que l'on trouve de nos jours dans les refuges (et ailleurs) sont à l'image de l'homme moderne sentimental et nombriliste qui affiche ses amours qu'il voudrait éternelles. Ces auteurs de tags ou de graffitis sont un peu comme les chiens qui laissent leurs crottes sur leS trottoirS pour marquer leur territoire.
Pendant notre agape, la pluie a fait place au soleil et nous reprenons notre périple en direction du col de l'Airole en suivant un chemin qui traverse un somptueux tapis de bruyère
Quelques pins ont pris pied sur le plateau, avant garde d'une forêt qui envahit peu à peu tous les massifs de la région depuis la disparition des grands troupeaux d'ovins qui contribuaient à garder « ouverts » ces vastes espaces..
Le pin est très décoratif et il a dans certains endroits son utilité pour lutter contre l'érosion des sols mais n'oublions pas que c'est un « tueur » de faune et de flore et sa prolifération met en danger la garrigue méditerranéenne qui est l'un des espaces les plus riches du monde en ces domaines. La garrigue est un peu notre « amazonie » et il faut la préserver.
En introduction j'émettais des doutes sur l'existence d'un paradis et pourtant certains chemins du Caroux semblent mener au ciel et à les suivre la sérénité vous gagne et on se retrouve de fait au « paradis » .
Puis le chemin quitte les nuées pour redescendre vers le hameau d'Héric à travers la forêt où ceux qui maitrisent la langue des arbres peuvent dialoguer avec de vénérables chataigners qui leur racontent les légendes locales.
Nous franchissons l'indolent ruisseau d'Héric sur un pont dont l'arche constituée au sommet d'une seule rangée de pierres défie les lois de la pesanteur.
Profitant de la sécheresse une grande épeire tisse sa toile au dessus d'une mare d'eau stagnante qui attire des nuées d'insectes. Ainsi se joue en des myriades d'endroits dans le monde un jeu fatal entre proies et prédateurs, le moteur même de la vie étant la mort !
Nous voilà de retour dans la vallée où Eole commence à rassembler un troupeau de nuages. Il était temps car nous avons eu notre dose de pluie pour aujourd'hui !
Le circuit détaillé figure dans le fichier joint.
Texte & photos Ulysse
08:55 Publié dans tourisme | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : caroux, gorges d'Héric, Fontsalès, bruyère, sorcière, chataigner